Et si le meilleur moyen de rencontrer l'amour, c'était de le faire ?
En cette ère où les rencontres amoureuses sont souvent dictées par les algorithmes et les applications, où les tests pour repérer les pervers narcissiques ou soigner la dépendance affectives pullulent, je ne peux m'empêcher de me demander si nous ne sommes pas en train de perdre quelque chose d'essentiel : le language de l’amour. Le vrai, celui qui ne s’explique pas mais se ressent.
Et si, au lieu de faire notre liste du prince charmant idéal, on prenait le destin amoureux entre nos propres mains ? Si on arrêtait un peu de se demander si “c’est le bon” avant de plonger et qu’on y allait la tête la première, en fermant les yeux ?
C’est parti pour une exploration en terre sauvage où l’amour ne se décide pas mais se vit.
Je ne peux pas dire un mot, j’enfile mon verre de vin rouge d’une traite et je regarde mes pieds en bégayant. Impossible, ce mec me fait trop d’effet, je n’arriverai jamais à lui parler. Lui, en face, il est pareil, il sourit bêtement. Je tripote mes cheveux nerveusement depuis une heure. Lui, fait des blagues gênantes en parlant dans ses moustaches. Et là, il se passe un truc. On se regarde. On sent que c’est électrique, on ne se connait pas, on ne s’est jamais adressé un mot avant ce soir et pourtant, c’est là. Ce n’est pas palpable, c’est dans l’air. Il s’approche de moi, on ne peut plus faire demi-tour, on se lance. Il ne m’a pas encore embrassée que je sais déjà que je suis au bon endroit. Tout prend sens, tout devient évident. Je n’ai plus peur, je ne doute plus, j’y vais. Je sens ses mains sur moi et je le guide. Je me laisse faire et ensemble, on s’abandonne.
Ce qu’on veut au fond, c’est de la connexion, de l’authenticité, de la sincérité. Tout ça, est-ce que finalement on n’y aurait pas plutôt accès quand on se donne nos corps, nos odeurs, nos gestes, au lieu de se raconter nos vies et nos projets ? Peut-être qu’en effet, ce qui nous a fait connecter en premier, c’est le désir physique. Est-ce que pour autant, ça a moins de valeur qu’une rencontre pendant laquelle on parle pendant des heures ? Que se passe-t-il si je te demande ton âge ou le métier que tu fais après avoir senti tes lèvres sur moi ? Que se passe-t-il si finalement, tu m’annonces que tu bosses dans la finance, que tu vis encore chez ta mère et que par-dessus le marché, t’es capricorne (c’est pour l’exemple hein, on adore les Capricorne), alors que je viens de passer la plus belle nuit de ma vie et que je meurs d’envie de te sentir encore contre moi ? Comment je sais si tu me plais quand tout ce que je connais de toi, c’est le plaisir que tu me donnes, est-ce que ça ne pourrait pas suffire pour déjà dire « on s’est rencontrés » ?
Sauf que passer à la casserole dès le premier rencard, ça a mauvaise presse. Déjà, cette expression, “passer à la casserole”, ça ne met pas en valeur. Tout de suite, on associe le sexe au vulgaire, au grivois, voire à quelque chose de dangereux. Ben oui, finir comme un bout de viande qui va se faire manger, c’est littéralement ce que ça veut dire et ce n’est pas ce qu’on se souhaite. Pour préparer cet article, j’ai tapé sur google “coucher le premier soir, bonne ou mauvaise idée”. Et le premier résultat est sans appel : “Coucher le premier soir est rédhibitoire pour une relation à long terme.” Voilà, comme ça, on est au courant. Alors, pour préserver les apparences, pour surtout ne pas compromettre nos chances, on se retient, on joue le jeu de la bienséance et là commence le cirque des faux-semblants. Je passe plus de temps à me demander si tu vas remplir mes critères et moi, à faire bien attention à présenter mes meilleurs atouts, plutôt qu’à sentir si tu me plais vraiment.
Tout ce truc autour du “jamais le premier soir”, ça nous coupe de notre intuition. On va commencer par sortir notre petite liste, on va vérifier que l’autre coche bien toutes les cases et s’il passe le test, allez hop ! Rendez-vous dans la chambre. Ça marche aussi dans l’autre sens : combien de fois on a puni l’autre en disant “pas ce soir”, simplement vérifier qu’il tenait vraiment à nous, pas juste à nos fesses ?
Combien de fois on a pu se demander s’il nous aimait vraiment ou s’il voulait juste coucher avec nous ?
Et pour vérifier ça, on joue un rôle, on essaie de lui montrer qu’on n’est pas QUE ça. On oublie que “ça”, c’est aussi nous, au même titre que notre tête bien faite, nos ambitions, le choix de nos vêtements, nos goûts musicaux… Ça, le corps, et surtout ce qu’il dégage, ce qu’il envoie à l’autre, en dit tout autant sur nous que le reste. Et le corps, si on l’écoute, nous donne toutes les réponses. Il nous dit s’il a envie d’apprendre à découvrir l’autre. Il nous le fait sentir dans le ventre, dans la peau qui frissonne, dans notre envie de sentir l’autre près de nous, dans l’impossibilité de s’éloigner de lui plus de quelques heures… Et ça, ça ne vient pas parce qu’on a partagé notre CV ou qu’on s’est raconté notre dernier voyage en Australie.
Est-ce que j’ai assez confiance en toi pour te laisser accéder à moi ?
Savoir si on a envie de se laisser toucher par quelqu’un, ça se sent tout de suite, on le sait. D’ailleurs, quand on entre dans une pièce, on peut ressentir l’ambiance, on sait sans avoir besoin de parler aux gens si on se sent à l’aise ou sous pression. Quand on parle de quelqu'un
et qu’on dit “je ne le sens pas” ou “il est très touchant”... Ça parle bien du corps tout ça, non ?
Récemment est sorti en salle le film Simple comme Sylvain. On y découvre Sophia, à la vie bien rangée, en couple depuis toujours avec son gentil Xavier, jusqu’à ce qu’elle rencontre Sylvain, charpentier et brut de décoffrage. Avec lui, elle va redécouvrir son désir, s’autoriser à être une autre, pénétrer dans une vie loin de la sienne… Ce film a instantanément ravivé le souvenir d’une ancienne relation : Damien, mon pêcheur. Ma première impression sur lui a été d’un jugement terrible. Je ne l’ai pas trouvé spécialement beau, je n’aimais pas sa façon de s’habiller, encore moins celle qu’il avait de parler et franchement, je me suis tout de suite dit qu’on n’avait pas grand-chose en commun. Il était pêcheur sur des chalutiers en Normandie, et moi, j’entamais mon master en école de commerce à Paris. Choc des cultures… Mais alors, quand j’étais près de lui, ça vibrait fort. On avait des amis communs, on se croisait souvent en soirée. Une chose en entraînant une autre, on s’est embrassés. A partir de là, ma seule préoccupation était de me trouver près de lui. La première fois qu’on a fait l’amour, j’ai senti que je l’aimais. Dès qu’on sortait de la chambre, je remettais tout en question. “Non mais ça va pas le faire du tout, on n’a rien à se dire” “Et franchement, t’as vu son look ?!”
En attendant, ça a duré six mois. Six mois d’amour, six mois d’intensité, six mois à me sentir moi-même et en confiance. Ça n'aurait tout simplement pas existé si on n’avait pas commencé par se rencontrer dans l’intimité, si on n'avait pas laissé nos corps se découvrir avant d’entamer une conversation. Car sincèrement, il n’aurait rien coché sur ma liste, et je l’aurais éliminé direct ! Je serais passée à côté d’une rencontre magique.
On attend de se rencontrer pour se donner à l’autre, alors qu’il faut se donner à l’autre pour se rencontrer
Cette phrase, elle est de Franck Lopvet, philosophe, auteur et conférencier. Il nous explique
que la rencontre, la vraie, se produit lorsqu’on n’essaie plus de convaincre l’autre ou de l’analyser, lorsqu’on se montre tel qu’on est. En général, cela se produit dans le non-verbal, dans l'énergie qu’on renvoie. Quand j’ai entendu ça, ça a tout changé pour moi. J’ai commencé à arrêter de freiner mes désirs, j’ai aussi appris à écouter un peu plus ce que je ressentais, sans trop analyser. J’ai surtout cessé de culpabiliser d’avoir été “trop vite” ou au contraire, d’en avoir planté quelques-uns parce que je ne les “sentais pas”.
J’ai récemment revu un grand classique : La Maman et la Putain”, de Jean Eustache. C’est fou comme on nous apprend qu’il faut être soit l’une, soit l’autre. Comme si on ne pouvait pas à la fois vouloir prendre soin de l’autre, s’engager profondément, construire quelque chose de solide, avancer à deux sur le chemin et en même temps, avoir des envies et des désirs charnels, juste se fier à eux et se laisser happer par cette force-là. Ce film nous dit ça, il nous dit qu’on peut être les deux, amoureuse et désirable. Il nous dit que l’amour ne s’invente pas, il se fait. Je sais que je ne joue pas de jeu dans cet endroit-là, je sais ce qui est juste pour moi. On m’a souvent dit que je devrais essayer de prendre mon temps, d’arrêter de tout donner dès le début.
Et “tout donner”, ça signifie mon corps. Pourtant, pour moi, attendre est contre-intuitif. J'ai un corps qui parle fort, qui me dit des choses et que j’écoute. Et dans mes rencontres amoureuses, il me dit qu’il sait mieux que ma tête. Parce que ma tête, malheureusement, elle n'est pas toujours très sympa. Elle dit “t’es pas assez ceci, t’es trop cela”, “pourquoi t’as mis cette robe, ça te boudine”, “mais t’as aucune répartie, pourquoi t’as dit ça ?”... Bref, elle transpire l’insécurité et le manque de confiance, alors que mon corps vit les choses, il les ressent et il me renvoie le message. Vouloir plaire à l’autre, le séduire, doit s’inscrire dans une démarche mutuelle : “tu me plais, je te veux” et pas “je suis disponible, regarde comme je suis géniale, choisis-moi”. J’ai compris que rencontrer quelqu’un pouvait aussi se faire par le corps, et que cela était tout aussi beau.
Parce que quand on ne joue pas, on est beaux. On est puissants, dans toute notre vulnérabilité.
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